C 0 M M I S S I 0 N DES AFFAIRES SOCIALES
No: SS-10369 Division des services de santé et des services sociaux
(398068) 

DEVANT:

Me Lina Bisson Jolin

Monsieur Serge Bourassa-Lacombe
1045 rue Lacombe, #206
Sherbrooke (Québec) J1E 3E3

                      Requérant

C.

Centre Universitaire santé de L'Estrie

                      Intimé

DÉCISION

Il s'agit d'une requête présentée en vertu de l'article 17 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux ( 1) visant à obtenir l'accès aux renseignements contenus à son dossier.

La preuve documentaire soumise révèle essentiellement ce qui suit.

Le 11 février 1995, le requérant est admis en psychiatrie au Centre universitaire santé de l'Estrie. En cours d'hospitalisation, une ordonnance de garde en établissement s'avère nécessaire compte tenu du refus de ce dernier de poursuivre volontairement la cure fermée.

Dans le cadre de cette démarche, deux rapports d'examen clinique psychiatrique sont soumis dont celui du Dr Lynn Gaudreault, médecin traitant du requérant daté du 17 mars 1995 et ci-après libellé:

    "Patient admis le 11-02-95, amené par la police après avoir présenté gestes violents contre objet devant sa colocataire + ses parents : dans un contexte de changement d'attitude depuis déc. 94 : augmentation d'énergie, augmentation socialité, diminution sommeil, augmentation libido puis apparition d'un délire de grandeur + religieux avec développement d'irritabilité + comportement inadéquat ; insistance d'évangélisé sa colocataire ou sa classe, très irritable etc.

(1) Loi sur les services de santé et les services sociaux, L.R.Q., c. s

    Initialement hospitalisation et prise de médication volontaire avec amélioration relative, depuis 13-03-95 refus de prendre la médication et ce jour patient qui désire un refus de traitement se disant tout à fait bien.

    Patient qui demeure tendu avec augmentation de l'activité psychomotrice plus grande irritabilité mal contenue (patient dit se lever pour garder le contrôle et quitter la salle d'entrevue). Geste agressant fait à l'équipe médical tel que pointé du doigt, regard menaçant, frappe dans ses mains, menace indirecte etc. De même patient qui présente un délire de grandeur et religieux très envahissant qui le font agir ; impose ses mains sur les patients pour les guérir etc. 

    imp.: Maladie affective bipolaire, psychos,- maniaque + élément psychotique, dangerosité évidente actuellement." (sic)

Le 11 avril 1995, la cure fermée est levée suite à l'évaluation du Dr Claude Arbour, médecin psychiatre.

Malgré les recommandations à cet effet, il refuse tout suivi en externe ainsi que toute médication.

Depuis, il mène un combat sans relâche pour dénoncer et corriger les injustices commises tant à son égard qu'à l'égard des personnes atteintes de maladie mentale.

À titre de président fondateur et contrôleur de la Serge Bourassa-Lacombe Fondation , association créée lors de son hospitalisation le 12 février 1995, il poursuit sa mission tant au Québec qu'au États-Unis.

Aux fins des présentes, il soumet une volumineuse documentation dont la Commission a pris connaissance y décrivant en détail les nombreuses démarches entreprises aux fins de recruter des membres et de leur apporter le soulagement approprié, le tout dicté par la parole divine tel qu'il appert des nombreuses citations bibliques rapportées et commentées.

Il y est également contenu les lettres adressées aux différentes instances gouvernementales, ministères de la Justice, de la Sécurité publique, Gendarmerie royale... y dénonçant notamment les abus et injustices commis à son égard.

Dans ce contexte, le 15 septembre 1995, il requiert par écrit de l'intimé la remise de "son dossier intégral" couvrant la période d'hospitalisation au département de psychiatrie du 11 février au 12 avril 1995.

Le 5 décembre suivant, l'intimé lui répond en ces termes:

    "En réponse à votre lettre du 15 septembre 95 reçue aux archives le 16 novembre 95, nous tenons à vous informer que nous ne pouvons, malheureusement, accéder à votre demande pour l'instant.

    En regard de l'article 17 de la Loi sur les services de santé, nous avons contacté votre médecin traitant, Docteur Lynn Gaudreault, qui considère que, pour le moment, cet accès pourrait être préjudiciable à votre santé, Par contre, celle-ci demeure disponible pour vous rencontrer si tel est votre désir. De plus, comme en fait foi la copie de la lettre du Docteur Gaudreault ci-jointe, vous pourrez refaire une demande dans six mois et, à ce moment, votre médecin traitant pourra ré-évaluer cet accès."

Postérieurement, le 17 avril 1996, l'intimé lui remet une copie du résumé d'hospitalisation suivant les recommandations des Drs Gaudreault et Yvon-Jacques Lavallée, directeur du département, après révision du dossier. Non satisfait, le requérant maintient sa demande initiale, ce à quoi s'objecte à nouveau le Dr Gaudreault le 6 octobre 1997, tel qu'il appert de la lettre adressée à la responsable du service des archives et libellée en ces termes:

    "Nous avons reçu une demande du service des archives médicales à l'effet que monsieur Serge Lacombe désirait obtenir une copie intégrale de son dossier médical. Suite à la lecture du document que monsieur Lacombe a fait parvenir à service, je désire vous informer, qu'après discussion avec mon chef de département, le docteur Pierre Gagné, nous avons convenu que pour le moment, un préjudice pourrait être causé à monsieur Lacombe s'il possédait son dossier médical intégral.

    Ainsi, seul un résumé de l'hospitalisation pourra lui être octroyé."

D'où la présente requête y énonçant notamment:

    "Je désire recevoir mon dossier médical #398068 provenant du CUSE anciennement CHUS pour la période s'étalant du 11 février 1995 au 12 avril 1995 inclusivement. Je veux et m'attends de recevoir une copie conforme de ce rapport médical. Le dit rapport devrait m'être parvenu dans les plus brefs délais peu importe le moyen de transport utilisé à titre de président fondateur & contrôleur de la Serge Bourassa-Lacombe Fondation afin de permettre identifié le vrai & le faux. Car il y a eu fabrication fausse & usage de faux, harcèlement criminel & voix de fait & torture chimique, physique, qui plus est il y a eu intoxication provoquée le 13 mars 1995 par l'équipe médical d'ou tentative de meurtre." (sic)

Témoignant à l'audience, le Dr Lynn Gaudreault, psychiatre, relate ce qui suit.

Le requérant était sous ses soins lors de son hospitalisation en psychiatrie et à cette époque elle a posé un diagnostic de manie avec élément psychotique dans un conteste probable bipolaire.

Lors de la levée de la cure fermée, le 12 avril 1995, les symptômes persistaient mais sans élément de dangerosité.

Une médication et un suivi s'avéraient nécessaires mais le requérant s'y est toujours opposé.

Sans l'avoir traité comme tel au cours de ces années, elle est d'avis que le processus psychotique perdure avec élément de schizophrénie paranoïde.

Elle fonde son opinion sur la nature du discours tenu par celui-ci lors de ses démarches au centre hospitalier en vue d'obtenir son dossier, sur le contenu des écrits transmis en ces occasions et produit au soutien des présentes, et sur les appels reçus personnellement à son sujet soit notamment de la police d'Atlanta ou de la Gendarmerie royale s'enquérant auprès d'elle en raison de son comportement étrange.

Aucune manifestation de dangerosité n'y a cependant été décelée ou notée, précise-t-elle.

Par ailleurs, elle considère que, compte tenu que les éléments délirants manifestés par l'appelant ont surtout trait au traitement subi lors de son hospitalisation, l'accès intégral à son dossier risquerait d'aggraver les symptômes et de provoquer une désorganisation complète pouvant transformer cette passivité en agressivité.

Un névrotique, explique-t-elle, lit son dossier pour le comprendre alors que le psychotique comme en l'espèce l'interprète faussement et dans le cas du requérant, sa rancoeur à l'égard du traitement subi peut se retourner contre toutes les personnes ayant intervenu et dont les noms figurent au dossier à savoir infirmiers, stagiaires, résidents...

Il lui a été offert l'analyse de son dossier en présence d'un expert mais celui-ci a refusé jugeant cette démarche inutile puisque convaincu d'obtenir des fausses réponses.

Le requérant est également entendu comme témoin.

Il déclare vouloir que justice soit faite pour prévenir la criminalité et le suicide et à l'égard de son dossier en désirer l'accès pour y souligner en jaune ce qui est vrai et en orange ce qui est inexact.

Tel que relaté dans les documents produits, il réitère avoir été hospitalisé et traité contre sa volonté, particulièrement en se faisant administré des drogues provoquant de graves états secondaires.

Tant son père que ses professeurs que les médecins traitants ont voulu en faire un Marc Lépine alors qu'en réalité il est un homme de paix.

Il ne leur en veut pas de mal mais tout simplement dénoncer l'injustice et construire un monde meilleur grâce à l'expertise médicale dont Jésus l'a doté.

La fondation qu'il a créée et qu'il souhaiterait à l'image d'Amnistie Internationale pour les personnes atteintes de maladie mentale, lui permet d'accomplir sa mission.

Avant février 1995, il n'avait jamais été hospitalisé ou traité en psychiatrie et depuis la fin de son hospitalisation il n'a fait l'objet d'aucun suivi ou traitement et a toujours maintenu un comportement pacifique et adéquat, entièrement consacré à enrayer les problèmes de santé mentale.

Il s'est même rendu aux États-Unis où il se propose de retourner. Il y est attendu et y aurait même des possibilités d'emploi suivant un document écrit en attestant et soumis au soutien des présentes.

Madame Liliane Boucher corrobore le témoignage du requérant et le décrit comme un homme engagé, respectueux et accomplissant un travail empreint de spiritualité consacré à les problèmes de santé mentale et à en corriger les abus dont la médication excessive.

Elle le connaît depuis le 28 mai dernier, l'héberge depuis le 13 août et en a entièrement confiance.

Ayant elle-même travaillé comme secrétaire d'un organisme en santé mentale, possédant une formation d'assistante technicienne en pharmacie et ayant été suivie en psychiatrie, elle est en mesure de confirmer l'inadéquacité du traitement administré aux ex-psychiatrisés.

Elle aide le requérant dans la poursuite de son objectif soit construire un pays meilleur par la transmission de la foi.

Madame Sylvie Poirier soumet pour sa part le témoignage suivant.

Elle connaît le requérant depuis le 15 août 1997 et depuis il est devenu son conseiller spirituel et son guide.

Celui-ci a contribué à l'amélioration de sa vie de couple. Elle-même et son mari sont aux prises avec des problèmes de santé mentale, et ils ont bénéficié de ses conseils et de son pouvoir de guérir par la prière.

À sa connaissance, il n'a jamais utilisé la violence et seulement du positif se dégage de sa personne. 

L'article 17 de la loi précitée applicable en l'espèce s'énonce comme suit:

    "17. Tout usager de 14 ans et plus a droit d'accès à son dossier.

    Toutefois, l'établissement peut lui en refuser l'accès momentanément si, de l'avis de son médecin traitant ou du médecin désigné par le directeur général de l'établissement, la communication du dossier ou d'une partie de celui-ci causerait vraisemblablement un préjudice grave à la santé de l'usager. Dans ce cas, l'établissement, sur la recommandation du médecin, détermine le moment où le dossier ou la partie dont l'accès a été refusé pourra être communiqué à l'usager et en avise celui-ci. "

Il s'en infère donc que le droit d'accès est la règle et le refus l'exception suivant un critère bien précis soit un préjudice grave en résultant pour la santé du requérant.

Or, la preuve soumise n'a pas démontré, de l'avis de la soussignée, un tel impact.

Bien que celle-ci révèle la persistance des symptômes diagnostiqués à l'époque par le psychiatre traitant, le Dr Gaudreault, il apparaît peu probable que l'accès au dossier intégral en accentue la gravité et qu'un préjudice grave pour sa santé en résulte.

En effet, tel qu'il appert de la volumineuse documentation produite par le requérant au soutien des présentes y incluant narration détaillée de son séjour en psychiatrie, identification des principaux intervenants et des diagnostics posés et traitements administrés, celui-ci a déjà une connaissance approfondie de son dossier.

Malgré cela, depuis la levée de la cure fermée en avril 1995, et ce, sans jamais avoir donné suite au suivi ou à la médication recommandée, aucune dangerosité n'a été notée ni à l'égard du centre hospitalier ou de son personnel ni à l'extérieur, mais plutôt un comportement non pas agressif mais dérangeant.

Compte tenu qu'aucune perturbation profonde n'est résultée de l'accès à son résumé de dossier ou de la connaissance personnelle qu'il en a, force est de constater qu'acquiescer la présente demande risque peu de modifier la situation prévalant depuis plus de deux ans et demi, soit: mauvaise interprétation et négation des données, rancoeur en résultant, volonté de rétablir la justice et militantisme accru en faveur de la santé mentale suivant ses convictions et sa propre vision.

Par ces motifs, la soussignée en conséquence:

ACCUEILLE la requête.    [haut]

                        LINA BISSON JOLIN

                        Sainte-Foy, le 20 novembre 1997

M. Normand Legault
Représentant de l'intimée

 

COPIE CERTIFIÉE CONFORME

Ste-Foy, le: 20 NOV. 1997    
Me Jean-Guy Blouin
Secrétaire de la C.A.S.